Facebook, Twitter… durant les heures de travail : un investissement !

Ce qui fait peur à tendance à faire fuir, c’est un réflexe naturel… Ainsi en est-il encore des nouvelles technologies de réseau dans pas mal entreprises. Puis, quand on commence à pratiquer cette technologie émergente, on en apprend toutes les astuces et on s’aperçoit aussi des bons côtés d’un usage réfléchi. Sûr qu’alors on est amené à revoir son jugement !

Toute embauche en entreprise qui se respecte s’accompagne de la réception des attributs de sa fonction : un espace de travail (un bureau, la plupart du temps… un ordinateur souvent aussi) mais encore une ligne téléphonique directe, des cartes de visite et une adresse mail personnalisées. En effet, sauf à exercer une fonction qui ne serait tournée que vers de la production en interne, l’entreprise aura soin de doter ses agents des outils de communication susceptibles de favoriser les interactions avec les partenaires et la clientèle. C’est une pratique de bon aloi qui investit sur la capacité relationnelle de son personnel. Celle-ci a d’ailleurs vraisemblablement été un des critères décisifs au moment de la sélection du candidat : se présenter correctement, nouer contact aisément, savoir répondre diligemment au téléphone, avoir la présence d’esprit d’échanger ses cartes de visite… des attitudes marketing par lesquelles on laisse des traces derrière soi et qui créent progressivement pour soi-même, mais aussi pour l’entreprise au sein de laquelle on travaille, une réputation, une image de marque. Les anglophones parlent, eux, de « branding marketing ». C’est donc un atout sur son CV.

Si l’accès à ces outils de visibilité et de communication est sources de valorisation professionnelle, leur mise à disposition n’en provoque pas moins pour autant une démarche de confiance dans le chef de l’employeur et de responsabilisation du côté de l’employé. Il faut y voir une sorte de délégation de l’autorité centrale à l’ensemble de son personnel pour représenter l’entreprise vis-à-vis de l’extérieur. Mission de confiance donc qui fait, dans l’instant, que chacun devient la tête de pont de contacts avec la clientèle au nom de « la maison » qui vous emploie.

Une fois accordée, cette confiance ne s’embarrasse pas d’une surveillance de tout instant. Il est inconcevable que la ligne téléphonique d’un employé soit mise sous écoute pour apprécier sa capacité à gérer les entretiens qui passeraient par ce canal [1]. De même, quand il contacte ses prospects via l’usage du courrier électronique, on transpose online la confiance qui lui a été accordée dès l’instant où il a été en mesure de noircir une feuille à entête de l’entreprise. C’est à l’usage que l’on mesurera -peut-être- la nécessité d’attirer son attention sur des manquements, voire des ajustements pour que sa pratique soit plus performante encore. Il se pourrait même qu’on l’invite à plus investir dans cette dimension relationnelle qui est susceptible de déclencher de nouveaux contrats. Car se positionner et mettre en valeur l’entreprise est un vrai savoir-faire professionnel. Certains employeurs proposent même parfois, quand la nécessité s’en fait sentir, des formations pour asseoir plus ces compétences relationnelles bien appréciables.

Accompagnement ou censure ?

Depuis l’émergence des nouveaux outils de communication en ligne, il est devenu nécessaire de transposer les savoir-faire traditionnels de la communication dans leur truchement numérique. La marque de confiance, doublée de la responsabilisation des membres du personnel, trouve aussi sa transposition : le courriel professionnel est bien un acte « de travail » et le surf documentaire en ligne, une extension de la recherche documentaire traditionnelle ou de la prospection clientèle d’antan. Pourtant, le caractère nouveau de ces médias et la tendance d’un certain public à n’y voir que des usages ludiques ont-ils pu alimenter la suspicion, à tout le moins l’hésitation, aux débuts de l’émergence en entreprise. Allait-on laisser les employés investiguer l’usage professionnel du mail ? du surf ? des moteurs de recherche ? Dans les écoles aussi, la méfiance s’est très tôt installée, sur des outils jugés sensibles : le chat, wikipédia…

Pourtant, personne n’aurait imaginé qu’un employé détourne la confiance qu’on lui avait faite d’utiliser le téléphone pour jouer aux courses ou faire des blagues de mauvais goût. Personne n’avait craint que l’usage du papier à lettre de l’entreprise n’ouvre la porte à des canulards de mauvais aloi. Alors… Comment expliquer cette crainte, voire la censure technique mise en place dans certaines entreprises ? Si ce n’est par l’hésitation à laisser se mettre en place une pratique équilibrée au terme d’un temps d’adaptation bien normal ? Quelle capacité en effet, chez les employés, de s’autoréguler en la matière… ? Eux qui n’ont pas été sélectionnés sur base de l’observation de ce critère à l’embauche puisqu’il n’existait pas encore. Eux qui devraient découvrir des usages professionnels intéressants aux delà des pratiques ludiques de Monsieur Tout le monde. En seraient-ils capables ?

Les entreprises qui ont sans doute le mieux assumé cette situation sont celles qui ont investi dans ce défi par de l’accompagnement, de la formation, plutôt que de miser prioritairement sur la censure et les techniques de blocage système. Ouvrir les pratiques professionnelles aux usages performants du net a donné à comprendre aux utilisateurs le truchement nouveau auquel ils étaient invités.

Le bon sens près de chez… Axa

Le dernier né des outils qui provoque en ce moment la réflexion entrepreneuriale, c’est l’accès aux réseaux sociaux. Est-il imaginable de laisser les employés avoir accès durant leurs heures de bureau aux réseaux sociaux, Facebook, Twitter, LinkedIn ? Mieux : y a-t-il des intérêts professionnels notoires à investiguer l’usage intelligent de ces opportunités en ligne ? Il y a là un défi que plusieurs ont commencé de relever. A titre d’exemple, ce « Guide du bon sens numérique  » publié par Axa, et dans lequel on donne « 20 conseils indispensables pour faire preuve de bon sens numérique sur les médias et les réseaux sociaux [2] ». La société d’assurance a bien perçu le nécessaire truchement induit par l’évolution médiatique ambiante et a enclenché une démarche de clarification de l’investissement de confiance qu’elle consent quand elle délègue sa visibilité aux membres de son personnel.

Loin de diaboliser le net, le guide énonce une série de comportements réfléchis. Protéger sa vie privée est le cadre général de cette réflexion. Avant même le souci de l’entreprise, c’est à son employé qu’Axa pense. Si sa vigilance est en éveil, elle le sera aussi pour son activité professionnelle. Dès lors, insistance sur le fait de garder à tout moment conscience que chacun est porte parole de l’entreprise, avec le devoir de réserve que cela comporte sur certains sujets, identifier et anticiper les situations pouvant déboucher sur un dérapage, alimenter une veille sur son image et celle de son entreprise pour neutraliser toute tentative d’usurpation d’identité de soi ou de son entreprise… faire preuve de bon sens numérique en activant le principe de précaution quant à la pérennité des écrits sur le net. Des principes de la vie courante qui se retrouvent déclinés numériquement une fois que l’on bascule dans la virtualité du net… un autre pan bien réel de la vie économique et entrepreneuriale.

Investissement : le retour…

Se comporter en bonne intelligence dans les réseaux sociaux, mieux, y investir de façon performante est source d’une nouvelle opportunité communicationnelle pour l’entreprise. On pourrait dire que la chose est comparable à l’installation d’une succursale dans un zoning d’activités économiques. On le sait, aujourd’hui de plus en plus de Parcs d’activités industriels ont l’énorme avantage de pouvoir rassembler sur un même site, des entreprises susceptibles de partenariats. Certains offrent même des infrastructures (cafétéria, parking…) ou des services en commun (navettes, …) qui sont autant d’opportunités d’identification, de contacts, voire d’échanges très lucratifs. N’en a-t-il pas toujours été de même à une autre échelle : certains temps informels très ouverts au relationnel sont perçus comme autant d’occasions de représentations en clientèle : déjeuners ou dîners d’affaires, participation à des cercles ou clubs services professionnels, quand ce n’est pas des invitations à un golf ou dans les loges d’une infrastructure sportive.

La présence professionnelle sur les réseaux sociaux s’apparente donc de plus en plus à ces investissements relationnels consentis dans le cadre du travail, avec volonté… ne nous y trompons pas, d’un retour sur investissement. La chose qui est sans doute nouvelle, et qui impose cet effort de rigueur de la part de tous et parfois aussi réclame une véritable formation, c’est le mélange entre vie professionnelle et vie personnelle, entre les aspects privés et publics de chacune des deux. Car, de plus en plus, la distinction « privé et public » s’atténue… et les composantes professionnelle et personnelle de la vie publique se mélangent ! Fadhila Brahimi [3] parcourt la France entière et inonde le web [4] également de ses propos éclairés, pour éveiller à cette conscience du « personnal branding » et de la « réputation numérique des entreprises ». Selon elle, si cette réalité métissée, personnelle/professionnelle, privée et publique, crée de nouveaux défis en matière de gestion responsable, elle offre aussi de nouvelles opportunités de démultiplication et d’ « empowerment [5] » favorables aux affaires.

Cultiver les intérêts convergents

En fait, exploiter les réseaux sociaux avec des visées professionnelles, c’est occuper la place, une place virtuelle certes, mais qui n’en demeure pas moins lieu d’interactions bien réelles. Et ce n’est pas plus incongru que l’investissement, certes plus décalé, qu’ont consenti il y a déjà quelques temps, des entreprises qui ont investigué les retombées d’une présence active dans les espaces de type « Second live », par avatar interposé. Si la piste s’est avérée bonne à creuser, même si le retour sur investissement n’est pas encore massivement au rendez-vous, on peut comprendre et admettre que le positionnement dans les réseaux sociaux où tout le monde se retrouve en masse, offrira plus d’opportunités d’interactions encore. La seule recette, c’est d’y cultiver les intérêts convergents… au niveau professionnel, s’entend ! Mais c’est en tentant l’aventure, et non en y renonçant par excès de prudence, que chacun des employés d’une entreprise pourra faire la preuve de sa conscience professionnelle. Car c’est au pied du mur que l’on attend que le maçon fasse ses preuves… un mur qui, aujourd’hui, se construit de plus en plus telle une « réalité augmentée ».

On comprend dès lors que, dans ce monde professionnel qui est tout chamboulé par l’émergence du numérique, les critères à l’embauche ne s’orientent plus vers la crainte qu’un candidat à l’embauche soit présent sur Facebook ou Twitter mais, bien au contraire, qu’il n’en soit pas et qu’il faille tout lui apprendre de ce terrain ludique et professionnel à la fois !

Michel Berhin

Média Animation

Novembre 2012

[1On notera toutefois que des « call center » annoncent parfois à leur « clients » que l’appel entre leur employé et les clients prospectés par téléphone est « susceptible » d’être enregistré… Histoire de veiller à une évaluation potentielle de l’attitude « marketing » de leurs employés.

[5Renforcement

Ceci peut aussi vous intéresser...

To be or not to be on Facebook

On ne parle plus que de ce réseau social né fin 2004, à l’initiative de cet étudiant de 23 ans nommé Mark Zuckerberg. On dit même que ce réseau est aujourd’hui le plus grand au (…)

Facebook, mode et succès mondial

Créé en 2004, le site Internet Facebook était au départ très fermé. Il était limité aux étudiants de Harvard, puis il s’est progressivement ouvert à la plupart des universités (…)

Facebook isole-t-il ou socialise-t-il ?

Dans la littérature du numérique, on distingue deux courants de pensée : ceux qui dénoncent Internet parce qu’il isole les individus au monde extérieur et ceux qui sont (…)