Stromae, un Enfer pavé d’intentions ?

Capable de transformer le JT de TF1 en Enfer déontologique pour les uns, en Paradis éthique pour les autres : Stromae est l’as du showbuzz. Ce soir de janvier 2022, il surgit du cadre riquiqui du plateau d’artiste en promo, pour y faire … du Stromae en promo [1]. Et subitement, la télé se retrouve au milieu du salon où l’on cause. Par quels procédés, avec quelles réactions du public [2] ? Pour mieux le saisir, analyse en deux temps d’une prestation médiatique, avec d’abord le décodage de la séquence présumée inédite dans l’histoire de la télé, puis l’observation de ses effets. Un direct télé qui « sauve des vies [3] » ou « enterre la déontologie journalistique » [4] ? La polémique est née ...

C’est un de ces dimanches à vous faire avaler le poulet-frites-salade de travers. La faute à qui ? La faute à Stromae, le 9 janvier 2022. Un « grand moment de télé », une vraie « confession cathartique » selon les uns, un « coup monté bien ficelé », un « embarrassant brouillage des genres » pour les autres. Car ce soir-là, Stromae crée l’événement au 20 heures de TF1. À la fin d’une interview plutôt complaisante, il répond à une dernière question, calmement assis à son pupitre, et entonne L’Enfer, son nouveau titre. Une séquence [5] qui fera des millions de vues sur YouTube.

On le sait, réseaux sociaux aidant, il ne suffit plus d’avoir une bonne chanson, une carrière lisse et un label reconnu pour qu’un album se vende. Le public des internautes est fragile et éphémère. Il faut surprendre, à l’instar d’Angèle, Beyonce ou OrelSan. Constamment trouver de nouvelles parades pour désaturer le bruit de fond promotionnel. Mettre la barre haut, si haut …

Analyse d’une séquence

C’est Anne Coudray qui s’en charge, regard face caméra : « Formidable, Papoutai, Alors on danse : Il a déferlé sur nos vies, il a embarqué la planète avant de retourner au silence pendant sept ans. Stromae est de retour et il a choisi notre plateau pour donner sa première interview. Bonsoir et merci beaucoup d’être là ».

Les questions de la journaliste admirative [6] fusent, questions suspendues par un reportage basé sur des images d’archives et les témoignages de deux fans :

En studio : [regard vers Stromae] Alors votre nouvel album va sortir le 4 mars prochain, le premier titre, lui, est sorti en octobre, et [regard face caméra] il a déjà été écouté 46 millions de fois. [regard vers Stromae] C’est vertigineux, avant de vous entendre, [regard face caméra] on va revenir sur tout ça [regard vers Stromae] sur le maestro que vous êtes venu, mais aussi [regard face camera] sur ce besoin que vous avez eu de faire une pause et sur l’attente de vos fans après une si longue absence.

Hors studio : Reportage divisé en quatre séquences portant sur six thèmes : 1. Stromae revient. 2. Interview d’un fan sur l’attente comblée. 3. Succès mondial de Stromae. 4. Pression du succès, effets secondaires d’un médicament anti-malaria après un concert hommage à son père, écroulement. 5.Interview d’un fan sur le thème de la chute de l’artiste. 6. Annonce de concerts sold-out. Le reportage prend fin sur une phrase tautologique en forme de signature publicitaire : « Entre ce qu’il était et ce qu’il est devenu, il est, et il restera »

En studio : [regard vers Stromae] Stromae, vous dites qu’en 2015, vous avez perdu cette envie de chanter, manifestement elle est revenue ?

En studio : [regard vers Stromae] Alors vous dites que vous avez ressenti la nécessité de mise en jachère, de réenchanter le travail de création, vous étiez asséché, à ce niveau-là ?

En studio : [regard vers Stromae] Alors vous n’êtes pas un simple chanteur, j’allais dire, vous inventez un univers, qu’est-ce qui vient en premier, c’est les notes, c’est les mots, c’est l’image ?

En studio : [regard vers Stromae] Vous dites que vous êtes obsessionnel ? Ca se traduit comment ?

En studio : [regard vers Stromae] On va maintenant parler de votre album qui s’appelle Multitude, et vous y avez mis des influences des cinq continents, vous avez utilisé des instruments, des rythmes sud-africains, américains, asiatiques, est-ce que c’est un hommage à la culture globe-trotter un peu transmise par votre maman, on sait qu’elle vous a fait beaucoup voyagé ?

En studio : [regard vers Stromae] D’où le titre « Multitude », vous êtes multiple ?

En studio : [regard vers Stromae] Alors justement si vos chansons ont un tel succès, c’est sans doute parce qu’elles nous interpellent tous. Vous mettez en musiques nos travers, nos contradictions, et je dois dire que c’est toujours assez sans concession. Vous n’êtes pas tendre, ni avec vous, ni avec nous.

En studio : [regard vers Stromae] Alors, j’ai retenu une phrase, vous dites de vous qu’il faut être fier de ses faiblesses, avec cette énergie même quand vous évoquez des thèmes graves, des thèmes difficiles, vos chansons, moi je les comparerais à des pulsions de vie, est-ce que vous vous sentez parfois comme un boxer sur le ring ?

En studio : [regard vers Stromae] Vous avez aussi pendant sept ans lutté contre un certain mal-être, vous en parlez d’ailleurs sans détour. [regard face caméra] Dans vos chansons vous parlez aussi beaucoup de solitude. [regard vers Stromae] Est-ce que la musique vous a aidé à vous en libérer ? En réponse, des notes de musique retentissent. Elles accompagnent le visuel de l’artiste. Le plan se resserre sur lui, il chante assis, face caméra, le décor habituel du JT en arrière-plan.

Sur le plan de la com’, l’exercice a fait mouche. Il a joué sur quatre tableaux : un Storytelling imparable ; des effets de connivence entre l’animatrice, le public et Stromae ; la surprise feinte en direct enregistré, procédé de feintise [7] typique des programmes de téléréalité ; et enfin, l’inscription de la séquence dans une stratégie de marketing cohérente et plus large, construite autour de l’image de marque de l’artiste.

Alors, on raconte : le Storytelling

Le Storytelling est un dispositif narratif inspiré par des principes de marketing. C’est une histoire plaquée sur un réel, dont on prélève et souligne des éléments émotionnels pour servir des objectifs stratégiques. C’est l’art de raconter une histoire belle et inspirante pour toucher le public et, d’un point de vue marketing, donner du sens à l’achat d’un produit. Le Storytelling capte l’attention, emporte l’adhésion du public sur des valeurs partagées : « il était une fois Stromae … ». A la différence du simple récit, pour Christian Salmon [8], le Storytelling désigne un discours qui captive son audience, façonne son comportement, la convertit à une idéologie, motive ici à acheter un album, en racontant une histoire désirable, celle qu’on veut entendre. Cette puissance du récit explique l’adoption méthodique du storytelling par le monde de la publicité, de l’éducation, de la politique … et de l’art.

Cette forme de communication est problématique pour ses détracteurs, puisqu’elle active nos émotions à propos du parcours d’un artiste au lieu de formuler une analyse critique de son œuvre. Elle toucherait une audience non consciente de ses mécanismes et de ses effets [9]. Le public subjugué serait une masse apathique répondant à un message calculé qui atteindrait facilement son but. « Le storytelling, explique Salmon, met en place des engrenages narratifs suivant lesquels les individus sont conduits à s’identifier à des modèles et à se conformer à des protocoles ». Le storytelling raconte une histoire vraie, celle de l’artiste, selon une forme choisie, celle d’un conte. Le parcours du chanteur en dit autant que sa discographie, voire plus : il est son œuvre.

La séquence de Stromae au 20h reproduit la trame d’une masse d’autres récits archétypiques puisant leur intrigue dans un scénario conventionnel. Validée par les deux témoins qui font l’interface entre le bocal télévisuel et le public, la séquence de reportage, dont l’interview en plateau de l’artiste constitue le développement incarné en live, peut être réduite à quelques grands invariants canoniques :

1. « Tout va bien » (ascension vers le succès mondial)

2. « Tout va mal » (Stromae fait face à des épreuves physiques et psychiques)

3. Éloignement, exil appelant un retour

4. Transfiguration du héros (Stromae lutte contre le mal-être et fonde une famille)

5. Réhabilitation (concerts sold-out et retour du succès)

En studio, l’artiste produira ensuite une lecture autobiographique confessionnelle du récit [10], matérialisant et authentifiant son grand retour ici-bas, à la manière d’un épiphanie dont nous serions les témoins pivilégiés. Au fond, l’histoire n’est pas très éloignée de la structure d’autres grands récits de come-back, comme, au hasard, l’Odyssée d’Homère (et c’est là, en passant, qu’on se prend à imaginer l’interview d’Ulysse sur le plateau du JT de TF1).

À cette fable exemplaire se greffent quelques traits partagés dans la doxa contemporaine, aisément assimilables par le public : le lien avec une enfance prédestinée, le métissage culturel et musical, la fondation d’une famille, la pensée positive (« les épreuves rendent plus fort »).

Ces différentes pièces installent une forte connivence entre l’artiste et le grand public. À cet égard, Roland Barthes rappelait l’importance de la narration dans nos vies : « le récit est présent dans tous les temps, dans tous les lieux, dans toutes les sociétés ; il commence avec l’histoire même de l’humanité ; il n’y a pas, il n’y a jamais eu nulle part aucun peuple sans récit ; toutes les classes, tous les groupes humains ont leurs récits, et bien souvent ils sont goûtés en commun par des hommes de culture différente, voire opposée : (…) le récit est là comme la vie [11] ». On comprend mieux dès lors la confidence de la journaliste de TF1, interviewée dans Télé-Loisirs [12], sur la nécessité de ne rien négliger dans l’élaboration du récit : « C’est sans doute le moment le plus incroyable de ma carrière (...) On a beaucoup travaillé avec son frère Luc, en amont, à distance, en visioconférences et par mails. (…) Nous avons enregistré dans les conditions du direct en amont. Il n’y avait pas d’intérêt à prendre le risque de le faire en direct, ni pour lui, ni pour nous. Au vu de la poésie et de la beauté du moment, il aurait été dommage de prendre le risque de gâcher cela. »

Alors, on capte : effets de connivence

Jusque-là, tout procède de validations multiples : témoignages de fans, reportage, incarnation par Stromae, interview préparée, exposent un récit identique selon des modalités différentes. Le récit exemplaire, inscrit dans le dialogue entre journaliste et artiste, tire sa force d’une histoire que nous pourrions tous et toutes vivre un jour. La séquence installe d’autres ressorts de captation du public.

Le premier relève du jeu des regards. Principalement au début de l’entretien, la journaliste fixe les téléspectateur·rices dans les yeux. Dans un texte fondamental, Eliseo Veron [13] rappelle que cet axe y-y (les yeux de la journaliste dans les yeux du public) est LE privilège journalistique. Il signifie l’ancrage du discours dans le réel de l’actualité dont témoigne la journaliste. Le regard y-y d’Aline Coudray appuie l’histoire de Stromae en début de séquence, à ces mots : « Formidable, Papoutai, Alors on danse, Il a déferlé sur nos vies, il a embarqué la planète, avant de retourner au silence pendant sept ans : Stromae est de retour, et il a choisi notre plateau pour donner sa première interview ». Puis : « Le nouvel album a déjà été écouté 46 millions de fois ». Puis : « On va revenir sur tout ça ». Puis : « sur ce besoin que vous avez eu de faire une pause et sur l’attente de vos fans après une si longue absence ». Le regard complice porté sur ces points de discours n’est pas anodin. Il en soutient et valide les éléments-clés : l’autorité de l’artiste dans la lecture de notre existence, son succès commercial, son absence, l’attente des fans, et le triomphal retour d’exil.

De son côté, l’artiste, vêtu comme un présentateur de JT, brise la grammaire habituelle de l’interview : après avoir répondu aux questions, il s’empare de l’axe y-y, et, comme pour se conférer le statut d’un journaliste témoin de l’actualité, regarde le public au fond des yeux pour entamer sa chanson. Dans un JT, le procédé est rare, si ce n’est parfois dans les interviews politiques : « J’suis pas tout seul à être tout seul. Ça fait d’jà ça d’moins dans la tête. Et si j’comptais combien on est. Beaucoup. Tout ce à quoi j’ai d’jà pensé. Dire que plein d’autres y ont d’jà pensé. Mais malgré tout, je m’sens tout seul. Du coup. Oui, j’ai parfois eu des pensées suicidaires. Et j’en suis peu fier » : l’artiste réquisitionne la grammaire journalistique, impose une actualité, la sienne, la partage avec son public en proie aux mêmes difficultés que lui, particulièrement en temps de crise sanitaire.

Un troisième procédé vient appuyer le Storytelling et le jeu des regards. Il s’agit du recours au « nous inclusif  ». En linguistique, ce nous a pour propriété d’inclure le locuteur ou la locutrice (ici, la journaliste et TF1) et son audience (à l’inverse du nous exclusif, utilisé une fois dans la séquence : « notre plateau »).

Dans la scène analysée, le nous inclusif est mobilisé à deux reprises : « Il a déferlé sur nos vies, il a embarqué la planète » ; Puis : « si vos chansons ont un tel succès, c’est sans doute parce qu’elles nous interpellent tous. Vous mettez en musiques nos travers, nos contradictions, (…). Vous n’êtes pas tendre, ni avec vous, ni avec nous ». Cette inclusion soutient l’unanimité des téléspectateurs·rices, à la fois sur le succès professionnel de l’artiste et sa capacité à porter un sentiment communément éprouvé. En matière de propagande, c’est un procédé bien identifié. Il porte le nom d’effet boule de neige. Il désigne une technique rhétorique jouant sur le désir d’être comme tout le monde, d’appartenir à un groupe. Si vous n’adhérez pas au succès de l’artiste et à ses difficultés personnelles, c’est que vous n’êtes pas comme les autres. « Vous » n’êtes pas « Nous ».

Alors, on feinte

La question du direct, vrai ou feint, a également agité les esprits. Le direct, c’est ce qui justifie l’intérêt de la télévision. Le direct, c’est ce qui met en valeur l’événement en le laissant voir au moment où il se produit. Il crée la meilleure audience possible, celle qui ne sait pas encore ce qui se produira dans les secondes à venir. Cette caractéristique est d’autant plus efficace quand le réel perturbe la routine programmée, met à égalité les journalistes et leur audience, surpris de la même façon et au même moment.

Dans la séquence, l’effraction du réel survient au moment où Stromae entame sa chanson et quitte la forme habituelle du JT., mobilisant une pratique de production bien rôdée pour donner au public l’impression d’avoir la primauté de la découverte. Mais contrairement à la plupart des « moments de télévision » tant prisés par les animateurs et animatrices, la prestation chantée ne s’est produite ni par accident, ni par effraction. Plan séquence, travelling, changement d’éclairages, synchronisation avec une bande-son : la chaîne n’a pas retransmis un clip, elle l’a fabriqué. L’acte de bravoure de Stromae a donné à l’audience l’illusion de se trouver dans les mêmes conditions de direct que la journaliste de TF1.

Ce « faire croire », puissant booster d’adhésion, est un code typique de la télé-réalité, auquel le public est habitué. Il sait qu’on fait « comme si ». De nombreux commentateurs ont insisté sur la mise en scène minutieusement préparée et préenregistrée de la séquence : « La séquence a demandé plus de trois semaines intenses de réflexions, d’échanges, de travail avec Stromae et son entourage », explique Yoann Saillan, directeur artistique de TF1. « Il ne fallait pas non plus faire une émission de variété, ça reste le journal, ça reste statutaire – c’est ce qu’il venait chercher – tout en ayant l’aspérité et son univers à lui. Notre questionnement était d’inscrire ça dans un JT presque sacré au niveau de son périmètre et de ses codes » [14].

Alors, on planche : Marketing global

Tout·e artiste ayant atteint un certain niveau de notoriété bénéficie d’actions de communication diversifiées et multi-médiatiques : un plan marketing. La séquence de TF1 s’inscrit dans un programme global et continu de marketing. Stromae s’efforce constamment de rompre avec les codes habituels. Il diversifie les supports et les procédés, à l’image de la fausse caméra cachée précédant la sortie de son single Formidable, diffusée sur les plateformes numériques, ou encore, son interprétation de l’Enfer accompagné de chœurs bulgares, sur France Inter, et en mars 2022, ses annonces au micro du réseau de métro bruxellois. Comme dans la séquence du JT, l’artiste brouille les pistes, joue sur l’effet de surprise, une nécessité paradoxale pour les artistes qui veulent durer dans le temps. Il s’allie les jeunes générations en créant le buzz, en entrant en communication directe avec sa cible marketing sur un ton décalé et paradoxal : des problématiques lourdes sur une musique légère.

Il joue la carte singulière de la belgitude [15] tout en se produisant sur les scènes internationales. Il varie ses activités en lançant une ligne de vêtements inspirée de son propre style.

Analyse d’une polémique

Les commentaires ont cristallisé bien des clivages, aussi bien dans les médias mainstream que dans les réseaux sociaux. Au fond, trois axes forts structurent les points de vue critiques de la meilleure promo de tous les temps : l’axe émotionnel, l’axe déontologique, l’axe sectoriel.

Alors, on est fan

Le premier axe surplombe et prédétermine les autres, particulièrement observé dans les réseaux sociaux et parmi le grand public. Il s’agit du registre émotionnel, un registre convoqué par la séquence et piloté par la vie et l’œuvre de Stromae. Le public est a priori touché par la chanson et/ou le personnage. Il interprète son coup de force comme un élément de plus à verser au crédit de la biographie artistique de Stromae. Ou à l’inverse, indifférent aux rythmes et aux notes du chanteur, l’audience dit subir une séquence de promo superflue, voire mal venue.

Pour Stromae comme pour d’autres stars, l’intérêt du public repose sur un attachement subjectif sans que ce lien soit familier : public et artiste sont des étrangers intimes, pour reprendre le titre du livre de Richard Schickel consacré à la culture de la célébrité [16]. La séquence analysée a cependant pour effet de rapprocher ces étrangers intimes puisqu’elle est fondée sur l’expression du psychisme de l’artiste, son spleen, ses envies suicidaires, tout en rappelant son statut olympien à travers l’évocation de son succès mondial. Ce rapprochement entre l’artiste et son public, ici par le biais de l’actualité du JT, conforte l’extension du périmètre de célébrité des stars décrite par Edgar Morin en 1983 : « L’irruption de la culture de masse dans l’information développe un certain type de rapports de projection et d’identification qui vont dans le sens du romanesque, de la tragédie et de la mythologie. (…) Les médias, en même temps qu’ils investissent les stars d’un rôle mythologique, plongent dans leur vie privée pour en extraire la substance humaine qui permet l’identification [17] » Autrement dit, TF1 a fait rêver son audience en attestant le caractère exceptionnel du succès de Stromae, tout en pointant la parenté de l’artiste avec les simples mortels.

Très rapidement, sur la Toile, le phénomène a été commenté par différents groupes sociaux, partagés entre plébiscite inconditionnel de l’artiste et mépris pour son œuvre, deux attitudes déclinées sur toutes les gammes de l’émotion, entre « j’aime - j’aime pas », « ça me fait rire - ça me fait pleurer ». La séquence a fédéré des communautés, créé des liens entre ses membres, amélioré le statut de certains d’entre eux au sein du groupe de pairs, à l’instar de ces étudiants de l’IHECS auteurs d’une parodie accumulant près de 70.000 vues au 15 février 2022 [18]. La parodie n’est pas anodine : elle prolonge la durée de vie d’une séquence, installe sa signification dans l’imaginaire collectif, consacre son existence dans la mythologie de la pop-culture, car nul.lle ne saurait être parodié.e sans être connu.e. La séquence a également opposé des catégories d’âge entre elles :

Ainsi, dans les réseaux sociaux, a-t-on pu lire :

« Quelle mise en scène... Et quelque part, c’est aussi la prolongation de son numéro d’ivrogne à l’arrêt du tram Louise, quand il s’est gentiment fait raccompagner par les flics bruxellois et qui s’est avéré un clip. »

« En fait j’aime pas, mais tt le monde s’en fout. »

« Sans aucunement juger de la pertinence ou de la valeur artistique, cette démonstration est dérangeante. »

« C’est du Brel et moi j’aime pas Brel. »

« Il a pas un peu grossi ? »

« J’ai beaucoup aimé cette prestation et j’ai trouvé Stromae époustouflant. »

« En en discutant hors RS, je me suis fait traiter de boomeuse. »

« Ce mec est un génie. Fou, mais génial. En costume pour aller sur un plateau de télé. Quel artiste respecte encore ce code ? Il est mondial. »

« Quel artiste ! Il est très fort. Sur tous les plans. En cravate et costume croisé qui plus est. »

« Quand on regarde de plus près, l’équipe de Stromae a bien géré son style : costume, cravate, des couleurs sobres qui dégagent de l’assurance et de la responsabilité. Ils nous ont présenté un monsieur épanoui dans sa vie privée, marié et père. Bien dans sa peau. »

« J’ai vu deux fois de suite Mylène Farmer à Forest National au plus haut de sa gloire, et elle pleurait à chaque fois de la même manière au même moment : c’était chiqué, époustouflant et sincère. »

« Passage au JT à l’instant. Inattendu, touchant, émouvant. T’as l’impression d’être lui, ou qu’il est toi. »

Alors, on pense : l’axe déontologique

Un deuxième axe a mobilisé bien davantage les critiques, sur un plan rationnel. Il oppose les garants d’une déontologie, voire d’une éthique journalistique, à celles et ceux qui ont vu en la prestation de Stromae une sorte d’attentat pâtissier contre le pouvoir des médias, celles et ceux qui entérinent la fin — depuis longtemps actée – de la séparation entre communication et information, et même, celles et ceux qui plébiscitent l’insolence de Stromae vis-à-vis d’un opérateur (TF1) présumé de mauvais goût.

« Il n’y a pas de séparation entre l’interview proprement dite et la chanson ». Les garants de l’éthique journalistique pourfendent le brouillage des genres : infotainment, confusion entre journalisme et communication, mystification du public par le recours aux codes réservés au JT, mise en scène d’un faux direct. La plupart de ces critiques émanent des milieux journalistiques eux-mêmes, qui y voient un assaut porté contre leur légitimité, et s’en défendent.

Les critiques les plus virulentes se fondent sur la séparation entre information et communication, un des fondements de la profession de journaliste. Si l’information est due au public, elle est un genre en soi, ayant sa forme pure, ses lois et ses règles. Le métier est régulé par une charte déontologique, et TF1 ne pourrait y déroger davantage que les autres. En France, il s’agit de la Charte d’éthique professionnelle des journalistes [19], qui indique dans un de ses intitulés « qu’un journaliste digne de ce nom (...) refuse et combat, comme contraire à son éthique professionnelle, toute confusion entre journalisme et communication ». Aussi, de nombreux médias ont-ils désavoué leurs confères de TF1 : « Stromae chante son “enfer” au JT : mise en lumière de la santé mentale ou atteinte à la déontologie journalistique ? » (Le Monde [20]), « La prestation de Stromae ne plaît pas à tout le monde : “Il a pris en otage le JT, c’est une honte”, estime Gilles Verdez » (Metro [21]).

De son côté, Libération [22] a proclamé le boycott, s’en prenant à l’artiste plutôt qu’à son hôte, pourtant largement complice : « Relativement absent de la lumière médiatique depuis la fin de sa tournée mondiale en 2015, le Belge annonçait avec cette chanson la sortie de son nouvel album. Plutôt qu’une actualité essentielle pour la culture, nous avions donc affaire à une communication promotionnelle, comme il en atterrit chaque jour des dizaines dans les boîtes aux lettres des journalistes ; aussi décision a été prise de ne pas consacrer de temps de travail à assurer le marketing du Bruxellois », tout en concluant : « Il n’est pas certain du tout que Stromae sorte grandi par cette grosse flaque de storytelling autour de ses malheurs et le vaste dispositif visant à l’exploiter jusqu’à la dernière goutte ». En Belgique, dans un article titré Stromae : l’enfer du mélange des genres [23], Jean-Jacques Jespers s’inquiète lui, que « de nombreuses enquêtes montrent que la confusion entre communication et information est de moins en moins remarquée par le public ». Sans doute cette frontière est-elle aussi devenue moins lisible que par le passé. Ce mouvement s’inscrit dans un processus très large de métamorphose de la communication publicitaire : « Plus les marques empruntent aux médias et à la culture, moins elles avouent leurs intentions marchandes, et plus elles étendent l’espace de la communication marchande [24]. »

La porosité de la frontière entre journalisme et communication, entre information et divertissement, tous et toutes ne la voient pas d’un mauvais œil, et particulièrement dans les réseaux sociaux comme dans les médias dits alternatifs, et même, dans certains titres de presse, à l’instar des pages culturelles du Parisien [25] : « Toujours aussi maestro de la mise en scène ! Quel sens et quelle science de la surprise et de l’émotion qu’on n’a pas vu venir. Alors que l’interview ronronnait un peu, tout a basculé d’un coup vers une sorte de magie comme à chacune de ses apparitions », note le journal, évoquant un « moment de pure comédie musicale, de cinéma presque ».

Pour d’aucuns, cette distinction entre journalisme et communication est obsolète ; sa friabilité n’est pas nouvelle. Certains estiment que Stromae n’a fait que ce que la sphère médiatique orchestre elle-même depuis longtemps : sa démission devant les contraintes mercantiles. Au fond, ces soutiens à l’artiste entendent redéfinir ainsi les règles prescrites par les médias, en autorisant d’autres faiseurs d’opinion que les journalistes à énoncer ce qu’il y a à dire sur quoi, et comment.

Ainsi, dans les réseaux sociaux, a-t-on pu lire :

« Stromae vient sur le JT en respectant tous les codes (costume, cravate, interview…) pour mieux les exploser ! Quel rafraîchissement dans ce monde ! »

« Il y a longtemps que je sais que les journalistes mainstream ne font plus du journalisme ...Donc, j’ai beaucoup aimé cette prestation. »

« Quand des acteurs ou des réalisateurs viennent présenter leur film en fin de J.T, et que l’on passe la bande annonce de leur film, on trouve ça normal... Et ce l’est sans doute. Comme de l’information culturelle. Idem pour des musiciens. »

« On a applaudi Gorillaz à l’époque et on vilipende Stromae sur une question de goûts musicaux car les leviers marketings sont finalement assez semblables : facile et réducteur non ? »

« Il utilise intelligemment les leviers médiatiques de son époque… les Beatles, les Stones ou les Pistols n’ont pas fait autrement (remember top of the pops ou Ed Sullivan show). Depuis que la fonction de manager ou attaché de presse existe, that’s the name of the game… »

« Jolie démonstration que nous sommes dans une société où l’on ne s’embarrasse même plus de séparer spectacle et info, comme si tout cela n’était au fond qu’un grand cirque...ou comment décrédibiliser la profession de journaliste en quelques minutes... »

« Tf1 fait du marketing, et ça c’est pas une nouveauté, même pour Valéry Giscard d’Estaing. »

« Hacker le JT de TF1, le coup de génie signé Stromae. Puissant ! »

« Le journalisme ici a perdu des plumes. Comment une rédaction peut-elle se laisser manipuler à ce point puisqu’apparemment, c’est Stromae qui voulait “casser les codes” en imaginant cette mise en scène. L’information-spectacle vit de beaux jours. »

« Non, sérieusement ? Il y en a encore quelqu’un ici pour s’offusquer ? Après des années de propagande télévisuelle (surtout les 2 dernières) ? Ça fait un bail que les JT ne sont que des vitrines de vente. Et, dans un ministère de la vérité, c’est même pas grave. Tout ça n’a plus aucune importance. Et Stromae est un dieu de la com’. »

« Un changement de grammaire télévisuelle. C’est ça qui est remarquable et inventif. Savoir si c’est de l’info ou de la com n’a aucune importance, car c’est de toutes façons les deux. Toute info culturelle a un effet sur les ventes de ce produit. Mais tout artiste qui vient présenter son travail ne réinvente pas la grammaire du JT. »

Alors, on défend : l’axe sectoriel

Un dernier axe, sectoriel, a mobilisé les acteurs ou actrices de la santé, les milieux culturels et les milieux publicitaires. L’homme Stromae doit être moins jugé sur une posture artistique que sur sa capacité à parler, non consciemment ou non stratégiquement, en porte-drapeau d’un secteur.

Indépendamment de la charge émotive, des règles déontologiques ou de la grammaire télévisuelle, les secteurs cités ont avant tout souligné les effets positifs de la prestation de l’artiste dans leurs champs respectifs, et notamment, le bien-être psychique de la population. Ce point de vue conforte la télévision comme entreprise de services relationnels, s’appropriant le rôle des institutions légitimement chargées de résoudre les petites et grandes misères de notre quotidien.

Tedros Ghebreyesus, directeur de l’OMS, réagissait ainsi sur Twitter : « Un grand merci à Stromae d’avoir abordé le sujet difficile du suicide dans votre dernier album. Tellement important de demander de l’aide si vous en avez besoin ». Même son de cloche pour les psys et les acteurs de la prévention du suicide. Pour Nicolas Rainteau, psychiatre, l’autobiographie active la résilience, permet de mettre des mots sur les souffrances individuelles. Elle autorise de subvertir tous les codes à cette fin : « L’impact qu’a eu Stromae en trois minutes, je ne l’aurais, jamais en une vie de psychiatre ! Ceux qui ont connu la dépression savent que ce n’est pas évident d’en parler. Franchement, on prend le cadeau », écrit-il sur son compte Twitter. Du côté de la prévention du suicide, Dominique Nothomb, directrice du centre de prévention du suicide [26], confirme que cette libération de la parole peut être bénéfique : « Pour nous, toute l’équipe et les bénévoles, on ressent un réel tabou au simple fait d’évoquer le suicide. (…) Le fait qu’une personnalité comme Stromae évoque qu’il ait eu des idées noires participe à lever les tabous et prétexte d’un échange sur la question », avant d’ajouter, ce qui montre bien que le secteur ne relève pas les tensions déontologiques en matière d’information : « Ce qu’il manque dans la chanson ou dans l’interview, c’est le renvoi vers des ressources. Si on lève le voile et qu’on ne donne pas de solutions, c’est limite ».

En chantant ses propres pensées suicidaires, Stromae accorde à la maladie mentale une dignité rare dans l’histoire de la télé, crée une empathie qui permet de mieux la comprendre, et aide à déstigmatiser ce que vivent les personnes en souffrance. Cette identification positive permet de donner de la visibilité au suicide et à toute la thématique de la santé mentale. En ce sens, l’opération de fausse guérilla lancée par Stromae rappelle que les artistes sont les porte-paroles commercialisés d’un état de la société, à la manière d’un Bowie qui, alors qu’il chantait Starman grimé en Ziggy sur la BBC en 1972, avait pointé le doigt vers l’objectif pour défendre le droit à la différence.

D’autres secteurs épousent la même ligne. Du côté des stratèges en marketing, on entérine la colonisation des espaces non-publicitaires par diverses opérations de communication. Dans les milieux culturels, on estime que la promotion des artistes a sa place dans un journal télévisé à titre « d’exception culturelle [27] ». On veut ainsi brandir la créativité du milieu face aux rigidités des codes journalistiques, même si peu d’artistes peuvent bénéficier des mêmes opportunités, notamment budgétaires, pour leur ouvrir les paces de notoriété, ce qui crée des discriminations non fondées sur la qualité des œuvres.

Deux courants théoriques s’affrontent

Si l’on cherchait à problématiser la question, et peut-être, la résoudre, deux courants théoriques s’affrontent.

D’une part, un premier courant, des « effets forts des médias », donne à interpréter une sorte de prise en otage des médias et du public par TF1 et Stromae. Le « produit » Stromae chercherait à imposer ses codes dans un jeu de connivence stratégique. Par le subterfuge d’une émotion traditionnellement peu présente dans le JT, il briserait l’hégémonie de la parole journalistique, nous rendant captifs des impératifs commerciaux.

Ce point de vue rejoint celui de Adorno : selon le philosophe-musicologue, la culture n’échappe pas à l’aliénation générale du public – Adorno est de filiation marxiste : « La technologie de l’industrie culturelle n’a abouti qu’à la standardisation et à la production en série, en sacrifiant tout ce qui faisait la différence entre la logique de l’œuvre et celle du système social [28] ». L’industrie culturelle passée à la moulinette de la logique d’audience et de profits abolirait l’autonomie de l’œuvre d’art, y compris celle de Stromae, puisque ses chansons sont traitées comme des marchandises. Pour Adorno, il ne s’agit pas de créations artistiques amenées, pour atteindre un public élargi, à prendre une forme marchande ; il s’agit de produits nés pour le marché. Si, pour Adorno, le public s’approprie les biens culturels pour s’enrichir, pour développer sa compétence critique, la masse, elle, se bornerait à les consommer. Dans cette perspective, TF1 porterait une vision du monde (le discours de la réussite promise à qui sait maîtriser et partager ses tourments profonds) portée par un artiste contribuant à uniformiser la culture par des ressorts mercantiles.

Le public, lui, est bien au cœur des préoccupations d’un courant critique opposé au premier. La vision d’un média mercantile et tout-puissant est combattue par les théoriciens des effets faibles du média, dont Stuart Hall [29] fait partie. Hall distingue ainsi trois postures de décodage du média, que l’on retrouve aisément parmi les commentaires suivant la performance de Stromae : soit l’audience adhère au positionnement de TF1 et à la prestation du chanteur – yeux fermés et oreilles grandes ouvertes ; soit l’audience négocie l’information dans un mélange d’opposition et d’adaptation (à la lumière des commentaires estimant que Stromae ne fait que confirmer les pratiques médiatiques, ou encore que la promotion d’un artiste ou de la santé mentale justifie les moyens mis en œuvre). Soit encore, l’audience interprète la prestation de l’artiste en fonction de l’antagonisme qu’elle manifeste envers Stromae, son modus operandi, son hôte TF1, les libertés qu’un produit de culture commerciale prend avec nos habitudes ou nos horizons d’attente vis-à-vis du JT.

Mais au fond, est-ce grave ? La question rejoint ce constat formulé par Jean-Jacques Jespers, du Conseil de déontologie journalistique :« La journaliste aurait pu refuser de se prêter à l’exercice, mais avait-elle le pouvoir de le faire ? À l’heure où, notamment sur le coup de la technologie, tout se confond et où il y a une telle hybridation entre information et communication, le public ne fait plus vraiment la différence. La preuve, c’est que le Conseil reçoit peu de plaintes concernant cette confusion entre promotion et information ; les seuls à encore s’en inquiéter, ce sont les professionnels des médias [30] . »

C’est, en effet, certains journalistes autoproclamés « gardiens de la déontologie » qui ont vu dans cette séquence de JT une atteinte à la profession, niant probablement la capacité du public à identifier ce qu’il regarde : un artiste en promotion qui chante sur une musique de fond caractéristique, et pas un contenu informationnel ou un débat d’idées. Certains motifs « autorisent » le métier à se pencher sur une telle séquence, lui qui s’exerce si peu à la critique des confrères, si ce n’est ici à propos d’un média moins « noble » (la TV, TF1) invitant un artiste pop ultra grand public. Le boycott de Libération témoigne au fond de cette perception d’une audience qui serait inerte, incapable de discerner le divertissement de l’info « sérieuse », et qui devrait être pris par la main par des (vrais) pros de l’info.

Finalement, cette séquence dévoile combien les effets d’un média ou d’un programme sont induits par la posture de réception adoptée. Elle n’impacte pas de manière égale le déontologue des médias, le fan de Stromae ou le professionnel de la santé mentale. Dans cette perspective, la forme du média génère des effets différents : le fan est séduit par la mise en scène, le journaliste de presse écrite s’offusque de l’abandon du code JT, et le pro de la santé mentale y est indifférent, conquis par la mise en évidence en prime time d’une thématique complexe. L’analyse de cet événement médiatique révèle l’importance de considérer « ce que fait le média » et surtout « à qui ». Elle met en évidence les tensions qui animent aujourd’hui différents champs de la société, afin de déterminer ce qui est attendu de l’info, et la forme qu’elle doit prendre.

Yves Collard

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[1L’extrait du JT est à découvrir ici : https://vimeo.com/683754305

[2Plus généralement, cette analyse présente une méthode pour décoder une séquence de JT, et cadrer les réactions du public.

[3Titre d’un article de « Purebreakcharts » : L’enfer de Stromae : sa chanson peut sauver des vies, selon les psychiatres, 18/01/2022. http://www.chartsinfrance.net/Stromae/news-120044.html

[4Louis Nadau, Stromae, Le journalisme mené à la baguette, Marianne, 10/01/2022. https://www.marianne.net/societe/medias/stromae-au-20-heures-de-tf1-le-journalisme-mene-a-la-baguette

[6Merci pour ce si beau cadeau », a-t-elle glissé à son invité, avant de déclarer le lendemain : « J’étais figée. J’ai essayé de ne pas bouger, de ne presque pas respirer parce que j’avais peur de le perturber dans ce moment aussi intense. J’étais comme une petite fille, fascinée par ce qu’il se passait. »

[7Que l’on pourrait définir comme un « faire comme si » les événements en direct étaient imprévus : « La feintise, on le comprend, est bien différente de la fiction : alors que celle-ci construit un monde possible, qui est plus ou moins comme notre monde, la feintise fait passer pour authentique un discours qui ne l’est pas, elle fait comme si. »
François Jost, Cahiers de Narratologie, Analyse et théorie narratives, 26, Nouvelles frontières du récit, 2014. https://journals.openedition.org/narratologie/6830

[8Christian Salmon, Storytelling, la machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits, Paris, La Découverte, 2007.

[9Du moins, selon le très critiqué modèle de la seringue hypodermique de Paul Lazarsfeld, au cœur des théories des médias forts, suggérant que tout message est reçu sans délai et est entièrement compris par un destinataire passif.

[10Il va de soi que nous ne mettons nullement en cause la sincérité de l’artiste, dans ses propos, ni davantage, dans son œuvre.

[11Roland Barthes, Introduction à l’analyse structurale du récit, in Communications, 8. L’analyse structurale du récit, Paris, Seuil, coll. Essais, p. 7, 1966.

[12Eric Le Bourhis, Exclu. Anne-Claire Coudray dévoile les coulisses de l’interview évènement de Stromae au 20 heures de TF1, Télé-loisirs, 10/01/2022. https://www.programme-tv.net/news/tv/291220-exclu-anne-claire-coudray-devoile-les-coulisses-de-linterview-evenement-de-stromae-au-20-heures-de-tf1/

[13Eliseo Veron, « Il est là, je le vois, il me parle », Communications nº 38. Énonciation et cinéma, 1983.

[14Fabien Randanne, Stromae au « 20 Heures » de TF1 : Les secrets de la préparation et du tournage de ce moment de télé, 20 Minutes, 10/01/2022. https://www.20minutes.fr/arts-stars/culture/3214279-20220110-stromae-20-heures-tf1-secrets-preparation-tournage-moment-tele

[15Aaaaaah ! Brel.

[16R. Schickel, Intimate Strangers, The culture celebrity in America, Ivan Dee, 2000, cité par Nathalie Heinrich, Excellence et singularité en régime médiatique, Gallimard, 2012, p.351

[17Edgar Morin, Les stars, Le Seuil, 1984, p.145.

[20Fatoumata Sillah, Stromae chante son « enfer » au JT : mise en lumière de la santé mentale ou atteinte à la déontologie journalistique ?, Paris, Le Monde, 11/01/2022. https://www.lemonde.fr/culture/article/2022/01/11/stromae-chante-son-enfer-au-jt-mise-en-lumiere-de-la-sante-mentale-ou-atteinte-a-la-deontologie-journalistique_6109062_3246.html

[21Metro, La prestation de Stromae ne plaît pas à tout le monde : « Il a pris en otage le JT, c’est une honte », estime Gilles Verdez, Bruxelles, Metro, 11/01/2022. https://fr.metrotime.be/medias-people/la-prestation-de-stromae-ne-plait-pas-tout-le-monde-il-pris-en-otage-le-jt-cest-une-honte-estime-gilles

[22Olivier Lamm, Stromae au 20 heures de TF1 : mesdames et messieurs, bonsoir le storytelling, Paris, Libération, 10/01/2022. https://www.liberation.fr/culture/musique/stromae-au-20-heures-mesdames-et-messieurs-bonsoir-le-storytelling-20220110_WRG3CCUTNZCN3POVSUMG4HFP24/

[23Cédric Petit, Stromae : l’enfer du mélange des genres, Bruxelles, Le Soir, 10/01/2022. https://www.lesoir.be/417187/article/2022-01-10/stromae-lenfer-du-melange-des-genres

[24Karine Berthelot-Guiet, Caroline Marti de Montety & Valérie Patrin-Leclère, La Fin De La Publicité ?, Éd. Le Monde Marchand, le bord de l’eau, paris 2014, p. 8.

[25Yves Jaeglé, Stromae dévoile « l’Enfer » : le retour formidable du chanteur belge au JT de TF1, Paris, Le Parisien, 09/01/2022. https://www.leparisien.fr/culture-loisirs/musique/stromae-devoile-lenfer-le-retour-formidable-du-chanteur-belge-au-jt-de-tf1-09-01-2022-QWCHB4HT3VALPMNZL7UVZL4MPY.php

[26L’Écho, Comment le passage de Stromae au JT de 20h pourrait aider à la prévention des suicides, 10/01/2022. https://www.lecho.be/culture/musique/comment-le-passage-de-stromae-au-jt-de-20h-pourrait-aider-a-la-prevention-des-suicides/10358302.html

[27La promotion des œuvres ou spectacles culturels fait partie des programmes de télévision, que ce soit à travers des séquences spécifiques, ou d’émissions complètes.

[28Max Horkheimer et Theodor W. Adorno, La production industrielle des biens culturels, La Dialectique de la raison : Fragments philosophiques, Paris, Gallimard, 1983.

[29Stuart Hall, Codage/décodage, Réseaux, volume 12, n°68, Les théories de la réception, pp.27-39,1994.

[30L’Echo, Stromae sur TF1, entre coup de génie marketing et coup de canif à la déontologie, 10/01/2022, https://www.lecho.be/tech-media/divertissement/stromae-sur-tf1-entre-coup-de-genie-marketing-et-coup-de-canif-a-la-deontologie/10358294.html

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