Le p’tit oiseau va sortir… Comment respecter le droit à l’image ?

Peut-on faire n’importe quoi d’une photo prise avec une personne comme sujet ? Faut-il demander des autorisations ? Comment gérer ce paradoxe d’un monde de la communication globale, dans lequel pourtant les gens sont sans doute plus farouches qu’avant ?

"Super, ce temps de formation !". "Super cette manifestation !". "Quelle réussite cette fête annuelle…". Pour garder un souvenir de l’ambiance de tel ou tel événement, la photo finale s’impose… De quoi illustrer de prochaines revues de l’association ou le site web.

Mais attention, publier une photo dans une revue ou sur un site web ne se fait pas sans quelques règles. Car un principe général est défini : toute personne peut s’opposer à l’utilisation de son image. Pour éviter tout problème, il vaut donc mieux assurer ses arrières en obtenant l’autorisation de votre « sujet ». Avant que le petit oiseau ne sorte, adoptez le bon « reflex »...

Autorisation écrite

En règle générale, la demande d’autorisation explicite est le moyen le plus sûr. La personne que vous souhaitez photographier (ou filmer) devra vous donner deux consentements.

Le premier concerne la captation ou la prise de vue. Le second abordera les aspects de l’utilisation ultérieure de la photo ainsi « captée » : la reproduction, la diffusion, la publication, la duplication.

Pour vous prémunir, rien de tel qu’un document écrit, appelé « autorisation de captation et de diffusion », qui précisera le cadre dans lequel la photo sera utilisée, comme par exemple les publications écrites et numériques de telle association ou de tel projet, la limite de temps ou le territoire de diffusion. L’idéal sera d’assortir cette autorisation d’une clause de « libération de droits » qui prévoit que la personne « filmée » renonce à demander un dédommagement pour l’utilisation « prévue » de sa photo. Bien sûr, si vous comptez éditer et vendre une carte postale ou un poster, … et que cela ne figurait pas dans l’autorisation en question, … vous vous exposez à quelques réclamations potentielles.

Si l’autorisation verbale est aussi admise, elle reste cependant fragile, surtout si un problème surgit et que la preuve de l’autorisation doit être fournie.

Règlement général

Bien sûr, remplir de telles autorisations - à chaque fois que vous sortez votre appareil – peut s’avérer lourd et compliqué… Plusieurs institutions (comme les écoles, par exemple) ont lié l’abandon du droit à l’image au fait de s’inscrire et d’accepter le règlement de l’institution. Mais ce procédé est aussi utilisé lors de festivals ou de concerts, où l’achat du ticket signifie que vous acceptez d’être éventuellement filmé sur le site de l’événement et que votre image soit ensuite diffusée.

Pour le monde associatif fonctionnant sur base d’une cotisation ou d’une inscription des membres adhérents (à l’année ou à l’activité, comme des camps ou des séjours, …), le procédé du règlement général peut fonctionner. Pour les autres, il faut sans doute être vigilant projet par projet et imaginer une manière appropriée d’informer les participants.

Lorsque le sujet est un mineur, ce sont les parents qui peuvent octroyer l’autorisation sur le droit à l’image. Même si la jurisprudence admet que des mineurs capables de discernement puissent donner leur consentement sur leur image (à partir de 12 et 14 ans…).

Utilisation interne

Mais comme le droit est sujet à interprétations, il n’est pas toujours facile de s’y retrouver.

Même au sein d’un mouvement, l’argument de l’utilisation « interne » d’une photo doit être pris avec beaucoup de prudence. Même si une activité réservée aux membres revêt un caractère semi-privé (exemple : un camp au milieu d’une clairière bien isolée, une formation de cadres dans un domaine privé accueillant des séminaires, …), ce sera sans doute l’utilisation de la photo qui sera problématique, car elle devient publique. Même utilisée dans la revue d’un mouvement, disponible par abonnement, il y a reproduction, diffusion et publication de la photo. Sans parler d’une diffusion sur le web…

Bien sûr, peu de monde dépose plainte si la photo est utilisée dans son contexte, à savoir illustrer une activité. C’est évidemment s’il y a détournement de la photo que les risques de réactions surviendront.

Par ailleurs, il ne faut pas non plus tomber dans la paranoïa… Des balises existent, parfois modulées par la jurisprudence, pour équilibrer la tension entre le droit à l’information (prôné par les auteurs, éditeurs, …) et le droit à l’image (invoqué par les personnes). (Voir encadré).

Ainsi, pour que le droit à l’image s’applique, il faut que la personne soit reconnaissable. Ce qui dans le cas d’une photo de foule limite beaucoup le droit à l’image. Il faut aussi que le personnage photographié soit central. Une photo de groupe sera moins sujette à contestation…Pas question de réclamer si vous apparaissez « secondairement » ou « fortuitement » dans une photo devant l’Atomium ou devant un monument constituant le cœur de la photo.

Di Rupo posant pour une pub d’Oxfam...

Cette « exposition publique » induit un consentement tacite. Tout comme sera réputé tacite, le fait pour une personnalité (politique, sportive, vedette …) d’être photographiée en public dans l’exercice de son activité publique, et ce dans un objectif d’information.

Pas question d’utiliser les visages des personnalités politiques par exemple, sans un consentement explicite de leur part, si la photo veut illustrer autre chose que leur « métier »… On se rappellera de la campagne des Magasins du Monde Oxfam, qui avait abondamment utilisé l’image de personnages politiques, bien sûr avec leur consentement… D’autant que ceux-ci avaient pris la pose (parfois osée !). Autre preuve de leur consentement.

Reproduction et réappropriation

Si vous n’avez pas l’âme d’un photographe, il se peut que vous ne soyez pas l’auteur de la photo que vous comptez utiliser pour une revue ou un blog… Dès lors, l’absence de rencontre du sujet photographié ne vous a sans doute pas permis de solliciter le premier des deux consentements (la captation).

Dans ce cas, il faudra doublement être vigilant par rapport aux usages. Le cas le plus simple est sans doute celui des banques d’images. Certaines banques signalent explicitement le statut de chaque photo en matière de droit de diffusion et de consentement du sujet.

Sur un site comme Shutterstock, chaque photo sera accompagnée d’éléments importants (outre le tarif selon le format de la photo désirée). D’abord, vous découvrirez une « Information des Droits d’Autorisation » : qui précisera souvent « Usage éditorial uniquement L’utilisation de cette image dans une publicité ou à des fins promotionnelles est interdite ». Par ailleurs, vous trouverez aussi le « Copyright » reprenant le nom de l’auteur à mentionner lors de la reproduction de la photo.

Par contre, télécharger des photos sur le web est plus risqué… Vous n’avez sans doute aucune trace de l’origine de la photo. Il est tentant de faire son marché d’images sur les réseaux sociaux mais attention : ce n’est pas parce qu’on a la possibilité de voir une photo sur Facebook par exemple qu’on a le droit de la reproduire.

De plus, dans ces deux situations d’utilisation de photos dont vous n’êtes pas l’auteur, vous vous exposez à d’autres considérations : celles relatives aux droits d’auteur.

Mais cela est une autre histoire…

Press button

Lorsque la robe de Sophie Marceau "lâche"... Info ou atteinte au droit à l’image ?

Alors, ne vous retenez pas… Photographiez en connaissance de cause, en vous rappelant ces quelques balises. En sachant aussi que les cas litigieux qui font la une de l’actualité concernent soit des vedettes, soit des utilisations détournées d’images.

Et même dans la presse professionnelle, en quatre années d’existence, le Conseil de Déontologie Journalistique ( [1]) n’a instruit que 16 dossiers relatifs au droit à l’image (sur 172 dossiers ouverts depuis 2010). Ce qui représente un petit dixième de plaintes liées au droit à l’image.

Pas de quoi fouetter un photographe…

Stephan GRAWEZ

Média Animation

Décembre 2013

Ressources


En Belgique, le droit à l’image est un principe de droit défini dans la loi sur la protection de la vie privée, mais aussi dans l’article 10 de la loi du 30 juin 1994 relative au droit d’auteur et aux droits voisins. Selon cette législation, l’autorisation d’une personne doit être demandée pour fixer, exposer ou reproduire son image.
Plusieurs ressources peuvent vous aider :

 La Commission de la Protection de la Vie privée : http://www.privacycommission.be/fr/droit-image .Ce site est sans doute le plus « neutre » dans la mesure où il fait de la « vie privée » son objectif principal. Donc, nous sommes concernés au premier chef.

 Le ministère fédéral de l’Économie : http://economie.fgov.be/fr/entreprises/propriete_intellectuelle/droit_d_auteur/droit_image/#.UiWaW3_SkUM . Ce site reprend le droit à l’image dans le chapitre « propiriété intellectuelle. L’approche est évidemment plutôt « économique ».

- Copypix : le site qui ne dit pas directement son nom (il est en fait géré par les sociétés de droits d’auteur…qui défendent donc leur gagne-pain…) : http://www.copypix.be/fr/02.html

- Enseignement.be propose une fiche « Droit à l’image-Jeunes et Internet -35 » dans un ensemble de ressources sous forme de fichiers PDF http://www.enseignement.be/index.php?page=26149

- Pour les férus de droit, signalons aussi la « Bible » de : HOEBEKE Stéphane et MOUFFE Bernard, Droit de la presse (presse écrite, presse audiovisuelle, presse électronique), 3ème édition, Anthemis, 2012.

StG


Une version courte de cet article est parue dans le trimestriel "ZOOM" du dernier trimestre 2013.

[1http://www.deontologiejournalistique.be/
Le CDJ a pour mission de recevoir les plaintes liées à l’exercice de la presse professionnelle. Il n’intervient pas automatiquement en matière de presse associative, secteur où il est plus difficile d’objectiver le nombre de problèmes ou de litiges.

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