La publicité, une longue histoire...

De la réclame de nos ancêtres à la publicité interactive et multisensorielle du XXIème siècle, la promotion de produits et de services a connu de multiples évolutions. Et ce n’est pas fini...

Avant la révolution industrielle, publicitaires et annonceurs ne faisaient souvent qu’un. Mais déjà chez les Grecs de l’Antiquité, inventeurs de la rhétorique classique, on trouvait des promoboys rétribués pour faire … de la pub, ainsi que des fresques vantant les mérites d’un homme politique. Plus tard à Rome, on annonçait oralement les combats de gladiateurs. À la même époque, à Pompéi, on se promenait le long de murs enduits de calcaire et spécialement destinés aux annonces : les alba.

Le premier cri

Dans nos régions, les crieurs, service public fortement contrôlé, organisés en corporation dès 1180, incarnaient à eux seuls la publicité. Ils parcouraient les rues et s’arrêtaient aux carrefours pour annoncer les actes officiels. Ils hurlaient les enterrements, les mariages, les convocations et les objets perdus. Puis, à partir de 1415, les marchandises. Les rues du Moyen Age grouillaient de colporteurs, de vendeurs et de charlatans qui allaient d’un marché à l’autre avec des soldats, religieux et autres montreurs d’ours.

Les enseignes écrites signalent la nature des commerces. Elles servent de repères avant la numérotation des immeubles. On en comptera plus de 3000 à paris, elles deviendront des symboles de la réussite de leur propriétaire, au point de dominer l’espace public. Jusqu’à ce que des mesures soient prises à partir du XVIIIe siècle, pour …mettre fin à ce qu’il faut bien appeler de la pollution visuelle.

Il s’appelle François

En 1539, un édit de François Ier, en quelque sorte le précurseur de la publicité moderne, précise que ses ordonnances « après avoir été publiées à son de trompe et cri public seront attachées à un tableau, écrites sur des parchemins en grosses lettres ». C’est le début de l’affichage. Jean-Michel Papillon (1698 - 1776) sera un des premiers affichistes dont on connaît la signature. Il sera aussi le premier théoricien qui tentera de cataloguer le vocabulaire iconographique de la publicité.

Le gars de la Gazette

Dès 1580, c’est Montaigne, dans ses Essais, qui émet l’idée d’un bureau d’annonces. Des dépliants publicitaires circulent. Ils annoncent les parutions de livres. Plus tard, en 1633, Théophraste Renaudot crée la Feuille du Bureau d’adresses répertoriant offres et demandes diverses, ancêtres des petites annonces. Puis, sa Gazette, mêlant nouvelles et annonces. Son idée d’une combinaison entre presse et publicité fera bien du chemin …

Les premières annonces traitaient généralement de littérature et de médecine, de biens immobiliers, d’annonces matrimoniales. Le langage de celles-ci est bavard, émotionnel, souvent fastidieux et trompeur. Elles s’adressent aux catégories sociales supérieures, les seules à pouvoir les lire.

Et la révolution créa l’affiche

En 1789, lors de la Révolution française, des affiches et des pamphlets sont typographiés ou imprimés pour diffuser rapidement les textes révolutionnaires. En 1806-1807, naît en France la première formalisation légale du lien entre presse et publicité : sous le 1er Empire, le code civil impose de publier par voie de presse certains actes juridiques ou civils.

Productivité, technique et consommation vont générer la société de consommation. Des quantités de marchandises nouvelles sont mises à disposition du plus grand nombre, dans des commerces qui prolifèrent.

La publicité dans les journaux s’épanouit. Au XIXe siècle, l’extension des réseaux de chemins de fer et l’apparition des grands magasins entraînent une intensification des échanges et un élargissement des marchés. La publicité quitte le registre étroit de l’annonce locale. L’usage des presses rotatives permet une production de masse et la photographie élargit les possibilités d’illustration.

Le fort exode rural de l’époque génère une augmentation globale du niveau de vie des citadins, accroît la productivité. On voit apparaître les catalogues de vente par correspondance ainsi que les foires-expositions.

L’affiche est la première à bénéficier du progrès des techniques d’impression. Elle devient le principal support publicitaire de masse même si dans les années 1830-1860, son usage reste limitée à l’affiche de librairie. Mais dès 1880, des artistes professionnels vont contribuer à son essor. L’art graphique devient une expression culturelle. Dans la rue, les colleurs d’affiche se font une guerre impitoyable. Aucun espace ne leur échappe. Les hommes sandwiches déambulent, les distributeurs de dépliants font le reste. En 1842, les colonnes Rambuteau se joignent aux arbres pour décorer les avenues.

En 1865, les annonces occupent un tiers de l’espace des journaux. En 1867, naît la première affiche de Jules Chéret. En 1880, Suchard ajoute des images à ses tablettes de chocolat, et, en 1900, 40% des dépenses publicitaires vont à la presse, 20 aux catalogues et prospectus, 25 à l’affiche, 15 calendriers, cadeaux concours etc.

Born in the USA

La publicité moderne est née aux Etats-Unis au cours du XIXe siècle car l’immensité du territoire a engendré la distribution et l’envoi de catalogues, et la nécessité de faire connaître ses produits à longue distance. Les céréaliers, les éditeurs de livres et les premières entreprises de VPC (Vente par Correspondance) furent les premiers à adopter les méthodes publicitaires modernes. À la fin du siècle, les fabricants de produits pharmaceutiques (dont Coca-Cola), les compagnies ferroviaires utilisent les encarts publicitaires dans les journaux à gros tirage.

Tout s’emballe

C’est à cette époque que les industriels commencent à commercialiser des produits à emballages personnalisés. On entre alors dans une nouvelle ère avec l’apparition de techniques de packaging (mise en valeur d’un produit par son emballage).

Jusque-là, les produits étaient vendus en vrac (poids, volume ou pièce), souvent dans de grands barils et les consommateurs les choisissaient pour leur qualité, leur prix, mais pas pour leur marque. En France, en 1918, Le Petit Echo de la Mode propose des bons de réduction pour l’achat de nouveaux produits, débuts du couponing. En 1922, est créée la première radio commerciale par Radiola avec son célébrissime animateur Radiolo. Les annonceurs patronnent concerts et radio crochets (Dop, Monsavon) Fin des années 20, à la publicité parlée se substitue le slogan chanté sur un air à la mode.

On voit ensuite s’étendre les logos de marques sur les emballages, puis vers 1920 sur des produits dérivés (boîtes d’allumettes, cendriers,...). En 1921, Benjamin Rabier invente La Vache qui rit. Au fait, pourquoi rit-elle ?

C’est grand, c’est grisant

Aux Etats-Unis, puis en Grande-Bretagne, certaines marques édifient des monuments publicitaires, certains opérateurs comme le célèbre propriétaire de cirque Barnum lancent l’idée du spectacle, de la campagne publicitaire. Un mouvement suivi en Europe continentale quelque trente ans plus tard, même si dès 1925, Citroën illumine la Tour Eiffel. Le professionnalisme s’impose. Le choix du texte exact, de la bonne typo et des illustrations adéquates requiert désormais des professionnels. Le slogan "Ya bon Banania" est créé en 1923.

Dans les années 1930, la publicité américaine, plus technique, s’oppose à la publicité européenne plus artistique comme celle d’un Cassandre. On voit ainsi naître aux U.S.A. des cours de publicité en école de commerce, puis le métier de publicitaire. La publicité se veut alors presque scientifique.

Les 30 glorieuses

Après la seconde guerre mondiale, la télévision et le cinéma amènent les annonceurs à perfectionner leurs techniques de vente en utilisant toutes les possibilités des supports, qui deviendront rapidement les premiers médias publicitaires en raison de leur impact sur un très large public. En 1958, les ménagères et leurs enfants font la chasse aux cadeaux dans les barils de poudre Bonux. Ce sont les mêmes ménagères qui se délecteront des soap-operas, patronnés par les grandes marques de produits nettoyants qui imposent le format des séries télévisuelles à interruptions publicitaires.

C’est à partir des années 1960-70 que la publicité devient un facteur essentiel de la stratégie des entreprises tandis que la société de consommation est en plein essor. À la fin de la seconde guerre mondiale, les sciences humaines (psychologie, sociologie,...) font leur entrée dans le champ publicitaire. Une nouvelle philosophie commerciale supplante l’agressivité de l’annonce. Une science prend son essor : le marketing, sorte de théorie scientifique de la publicité. L’annonceur tient compte davantage de son public que de lui-même. Il s’intéresse au consommateur, qui a de plus en plus de loisirs. Il lui offre même une idole qui n’a pas toujours un lien direct avec ses savonnettes ou ses pneus de camion : la pin-up.

En 1960, dans nos régions, ce sont les débuts de la publicité à la télévision. En 1962, les chaussettes Stemm et les Chaussettes noires, le groupe rock d’Eddy Mitchell, font promotion commune.

Toutes les marques sont autorisées à la publicité télévisuelle, à part l’une ou l’autre exception moralisatrice (la lingerie, les disques) ou culturelle : en France, la publicité pour la margarine est prohibée "dans le respect des intérêts fondamentaux de l’économie nationale".

70, 80, 90

La publicité est devenue un phénomène culturel. Les médias analysent les images et les compagnes publicitaires. Ils transforment pub en évènement, des émissions de télévision et des magazines lui sont consacrés. Dans le même temps, les années 1970 sont marquées de façon indélébile par le mouvement de révolte qui a secoué le monde occidental dix ans plus tôt. En France, en mai 68, les journaux ne paraissent plus à cause des grèves, la télévision et la radio, contrôlées par l’Etat ne diffusent qu’une information filtrée. L’affiche va s’avérer le seul moyen de communication, d’information libre et rapide. Elle retrouve une place privilégiée, en revenant à sa fonction première : informer. Tous les styles se côtoient, sans véritable unité : il n’y a pas à proprement parler de style des années 70 en publicité. Ce qui n’empêchera pas les dépenses publicitaires de se multiplier par 5 entre 1950 et 1970.

Dès les années 1980, la photographie prend une place prépondérante. Elle se veut documentaire (présentation des caractéristiques du produit), artistique, ou humoristique. Un événement marque les consciences et les libidos : Myriam, les seins nus, promet un jour de montrer le bas. Une promesse qu’elle tiendra dès le lendemain. C’est l’apparition du teasing. Mais aussi des premières luttes féministes contre ces publicités sexy et « sexistes ».

Les années 80 sont celles de la sophistication orientée surtout vers l’usage artistique de la photographie qui arrive à son apogée. Les grands partis politiques commencent à confier leur communication à des professionnels qui peaufinent l’image des leaders et leurs affiches selon les critères du marketing. Les joueurs de Trivial Poursuit savent que Jean Lecanuet est le premier homme politique français à confier sa campagne pour les présidentielles au publicitaire Michel Bongrand. En 1970, pour les moteurs Mercury, l’agence Roux et Séguela mettent en scène le président Pompidou à la barre de son bateau. Scandale médiatique. Confusion de genres.

Dans les années 1990, le packaging devient un élément incontournable. En même temps, la publicité se segmente de plus en plus sur une partie de la population (catégories ou classes sociales). La notion de consommateur caractérisé par son "style de vie" apparaît. La publicité s’associe à des événements médiatiques ou autres, sous la forme du sponsoring. Parfois même les marques s’affichent politiquement ou socialement, à l’instar de Benetton. Le mécénat renaît.

A l’aube du troisième millénaire apparaît une nouvelle forme de publicité, le shockvertising, basé sur l’aspect choquant des images et/ou sons de la publicité, comme différentes campagnes de Sécurité Routière. En 1989, une première émission consacrée à la pub à la télévision apparaît sur une chaîne francophone européenne : Culture Pub sur M6. L’année de la mort de la Mère Denis.

On voit également surgir dans les années 90 un fort mouvement anti-pub, dénonçant l’impact normatif de la publicité sur les enfants, la privatisation de l’espace public au profit des marques, le gaspillage publicitaire, ...

Mon parrain, ce héros

Avec l’apparition de la télécommande (1990), les annonceurs imaginent d’autres formes de publicité : le parrainage (d’une émission ou d’un événement), les infomercials (sortes de courts métrages publicitaires avec un argumentaire détaillé sur un produit).Aujourd’hui, c’est l’internet et ses bandeaux publicitaires qui porte tous les espoirs de la publicité.

Un shampoing très net

Une publicité de plus en plus interactive. P’tit Dop en 2006 fait ses premiers pas sur Internet au travers d’une première campagne interactive. P’tit Dop a en effet troqué ses magnets distribués dans les lots de produits contre des mini-CD-Roms offrant des jeux interactifs dont les scores sont relayés sur le site Web de la marque. Une tentative pionnière en matière de communication de marque à destination des enfants. Dans le même temps, Calvin Klein lance avec peu de succès son idée de penpal virtuel à destination des jeunes adultes.

Techno, la pub

À l’occasion de la sortie du nouvel album de Daft Punk, le groupe s’affiche à paris et lance la première campagne de publicité extérieure interactive en Francophonie.Ce sont les Daft Punk, avec leur CD Human After All qui en profitent, avec leur Maison de Disques EMI. Depuis le 15 Mars 2005, les passants peuvent interagir avec 11 panneaux d’affichage en pointant vers eux leur téléphone portable pour recevoir trois types de contenus exclusifs (logo, sonnerie et lien vers un site web)

La pub qui fume, mais pas que de la moquette

Interactive, la publicité devient aussi multisensorielle : en Belgique, c’est en 2006 que Douwe Egberts utilise dans différentes villes du pays des panneaux diffusant à intervalles réguliers du... brouillard. Il s’agit de diffuseurs de brume, comme on peut en trouver dans les boîtes de nuit. Pour recréer l’atmosphère des vallées de Colombie ?

Quoiqu’il en soit, la publicité n’est pas au bout de son évolution. Les développements des nouvelles technologies et de l’internet stimulent la créativité des publicitaires qui y voient un nouvel Eldorado. L’histoire de la publicité est loin d’être achevée...

Yves Collard
20 février 2007

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